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Les oiseaux sauvages les plus vendus au monde?

MessagePosté: Sam Fév 11, 2012 11:35 am
par Mijo
Les oiseaux sauvages les plus vendus au monde? Le youyou du Sénégal, les mutants et le commerce des oiseaux capturés en nature…

Article original mis en ligne par Steve Boyes du Percy FitzPatrick Institute of African Ornithology le 17 janvier 2012. Traduit par Myriam Gagnon©, février 2012.

Au cours des 30 dernières années, jusqu’à 3 millions de youyous du Sénégal ont été enlevés à leur milieu naturel – et 811 408 permis d’exportation ont été émis en vertu de la convention CITES depuis 1975. Le commerce non réglementé des perroquets africains a atteint un sommet durant les années 1980 et 1990, et se poursuit encore de nos jours. Ce lucratif marché noir est soutenu par des intermédiaires avides de profit qui exploitent les populations d’oiseaux sauvages. En 2005, le youyou du Sénégal était l’oiseau inscrit à l’annexe II de la convention CITES qui faisait l’objet du plus grand nombre de transactions : en moyenne, plus de 45 000 de ces oiseaux étaient capturés en nature tous les ans. De nos jours, les perroquets africains figurent encore parmi les animaux les plus commercialisés au monde. Vous trouverez dans cet article quelques photographies alarmantes prises sur un marché malien ainsi que de rares prises de vue de youyous du Sénégal et de perruches à collier dans leur milieu naturel…

Le youyou du Sénégal appartient à une super-espèce comprenant également le perroquet de Ruppell, le perroquet de Meyer, le pione à bec rouge[1], le perroquet à tête brune et le perroquet des Niam-Niams. Ces oiseaux du genre Poicephalus figurent parmi les perroquets les plus robustes de la terre car ils sont capables de survivre au climat âpre et saisonnier de l’Afrique subtropicale. Tous leurs territoires sont très menacés par l’industrie charbonnière en pleine expansion, les contractuels qui exploitent la forêt sans frein, les populations locales qui brûlent les forêts pour en faire des pâturages ou des terres agricoles, ainsi que les ravages à plus long terme dus aux changements climatiques. La déforestation du continent africain est maintenant deux fois plus rapide que partout ailleurs dans le monde et les quotas d’exploitation forestière tendent à augmenter tandis que la certification forestière perd de l’importance face à l’expansion des nouveaux marchés en Extrême-Orient. Dans des pays comme la Zambie, le Kenya et le Malawi, la forêt primaire a presque entièrement disparu, et le reboisement est devenu absolument essentiel à la sauvegarde des oiseaux forestiers endémiques. Les intervenants des marchés émergents disent qu’ils ne font que « répondre aux demandes de la famille type » (dont les planchers sont déjà en bois franc) et sont complètement indifférents à la dévastation qu’ils répandent sur le continent africain et ailleurs. Même si ces intervenants et d’autres personnes étaient au courant de la disparition de parcelles de forêt et des espèces qui en dépendent, s’en préoccuperaient-ils? Ou, devrais-je dire, devraient-ils s’en préoccuper? Nous ne pouvons pas les juger sans faire l’effort de bien comprendre leur expérience de vie en l’expérimentant nous-mêmes. Nous ne pouvons que donner l’exemple, diffuser de l’information le plus largement possible et investir dans des projets visant à développer d’autres moyens de subsistance pour les communautés rurales, qui devraient être les gardiens des régions sauvages qui restent.

Les spécialistes forestiers ayant une grande longévité, comme le youyou du Sénégal et la perruche à collier, sont particulièrement vulnérables à la dégradation de la forêt. La pression supplémentaire exercée par le commerce des oiseaux sauvages a souvent des effets catastrophiques, et entraîne l’extinction locale des espèces dans plusieurs pays d’Afrique. Ainsi, le perroquet de Meyer a presque entièrement disparu de l’Afrique du Sud, le gris du Gabon n’est plus vu au Kenya ou en Tanzanie, le perroquet de Ruppell et le perroquet à tête brune se sont évanouis de la meilleure partie de leur aire de distribution respective, en Namibie et au Mozambique, tandis que le perroquet robuste (Poicephalus robustus) n’occupe plus que de petits refuges forestiers en haute montagne. Quiconque a parcouru les routes d’Afrique vous dira que, près de n’importe quelle forêt, on trouvera toujours des perroquets en cage ou les pattes attachées, en bordure du chemin. L’Afrique exporte ses perroquets, ses espèces sauvages, ailées et autres, son héritage naturel, son âme… On peut en voir les animaux, les plantes et les minéraux dans les ports, les aérogares, aux postes frontaliers, dans les gares ferroviaires et les grands centres urbains. S’il y a des perroquets dans une région, ils seront sur les marchés locaux, se mourant de malnutrition et de maladie plus souvent qu’autrement. Ces perroquets sont ceux que les négociants, les exportateurs et les intermédiaires qui soutiennent le commerce des oiseaux sauvages n’incluront pas dans leur prochain envoi outremer. Souhaitons-nous que leurs peaux, comme celles qui sont exposées au musée d’histoire naturelle de Tring au Royaume-Uni, soient tout ce qui nous reste de ces populations sauvages?

L’observation de perroquets africains dans leur milieu naturel est une expérience très spéciale.

Ces oiseaux extrêmement dynamiques semblent parfois détonner dans ce milieu sauvage et dangereux. Ils s’élèvent au-dessus de la forêt en poussant des cris, des sifflements et des appels qui semblent généralement joyeux, et ajoutent une touche de couleur bienvenue à la palette bien trop utilitaire de la plupart des oiseaux subtropicaux soucieux d’échapper aux prédateurs. Durant mes études doctorales portant sur le perroquet de Meyer dans le delta de l’Okavango (Botswana), j’ai pu constater sur le terrain à quel point on pouvait interagir avec ces petits perroquets intelligents. J’ai observé la structure sociale complexe de ces oiseaux, qui favorise la formation de couples à vie, de liens familiaux serrés et le développement d’adultes responsables, capables de se reproduire avec succès. Curieux et amusants, les jeunes perroquets de Meyer m’ont laissé grimper dans les arbres où ils étaient perchés pour les photographier. Les femelles adultes qui couvaient dans le creux d’un arbre ont fini par nous reconnaître et avertissaient les mâles que nous ne posions pas de menace ni ne trahirions leur position. Les perroquets de Meyer sauvages échangent constamment de l’information entre eux au sujet des activités sociales, des ressources alimentaires, de leurs émotions, des menaces et des drames. L’information, c’est le pouvoir, et pour conserver celui-ci, ils ont forgé des dialectes locaux qui favorisent davantage les congénères résidents que les nomades de passage. De toute évidence, les Poicephalus ont des humeurs, des personnalités et des émotions. On peut littéralement le sentir quand un nombre suffisant de perroquets vivent la même émotion et s’expriment à ce sujet. Ce peut être du contentement, une excitation passagère, une alerte, de l’anxiété ou simplement une discussion confuse à propos de quelque chose de nouveau, comme vous. Les perroquets africains m’ont époustouflé à de très nombreuses reprises et ils méritent de vivre libres…

Rare prise de vue d’un youyou du Sénégal dans son milieu naturel :
http://youtu.be/Ky_mitNnDms

Rare prise de vue de perruches à collier en milieu urbain :
http://youtu.be/e5F0-JjLKoc

Durant un récent séjour en Afrique de l’ouest, Michael Sazhin (www.TrainedParrot.com et www.TheParrotForum.com) a tenté de faire le relevé de l’habitat forestier de deux perroquets populaires, le youyou du Sénégal et la perruche à collier. On arrive très rarement à filmer et à photographier ces perroquets dans leur milieu naturel, et les colonies sauvages résiduelles sont très peu nombreuses. De plus, la plupart des colonies sauvages font encore l’objet d’une traque intense en vue du commerce, de sorte qu’elles sont décimées; le travail de Michael n’en fut que plus difficile. Souvent, les villes de la région offrent le meilleur habitat forestier pour ces oiseaux, qui sont ainsi exposés aux humains et aux problèmes qui s’ensuivent. Les arbres survivent en ville parce qu’ils sont la propriété de quelqu’un… On dénombre peu de colonies stables de perroquets africains en dehors des zones protégées, et même dans ces zones, les colonies ne sont pas en aussi bon état qu’elles devraient l’être. Malheureusement, la plupart des perroquets observés par Michael avaient été capturés en nature et étaient gardés dans des conditions déplorables sur les marchés locaux. Ces perroquets sont ceux dont les négociants et les exportateurs ne veulent pas. Tous mourront s’ils ne sont pas vendus et, parfois, les affaires stagnent…

Le commerce international des perroquets capturés en nature menace la survie de nombreuses espèces sauvages partout dans le monde.

L’Indonésie, les Philippines et plusieurs pays d’Afrique (p. ex., Sénégal, Cameroun, Tanzanie et République démocratique du Congo) comptent parmi les principaux exportateurs de perroquets sauvages. En Afrique, les perroquets sont traités comme de la marchandise par des gens désespérés qu’exploitent des négociants et des intermédiaires sans scrupule. Les perroquets ne sont pas les seules victimes de ce commerce sans éthique et non durable. Il faut mettre fin à ces pratiques avant qu’il ne soit trop tard. Les communautés rurales doivent trouver d’autres moyens de subsistance durables qui ne nuisent pas à la biodiversité et aux écosystèmes dont celle-ci dépend. Les gens qui possèdent, aiment et élèvent des perroquets partout dans le monde doivent se tenir debout et s’unir pour mettre fin au commerce des oiseaux capturés en nature. Au cours du siècle dernier, nous en avons assez appris sur l’élevage des oiseaux en captivité pour répondre à la demande internationale. Veuillez nous faire part de vos idées et commentaires ci-dessous…

Dans un marché du Mozambique, ces perroquets à tête brune tentent de survivre malgré leurs ailes cassées. (Steve Boyes/Wild Bird Trust)



Nous devons faire en sorte que, à l’avenir, tous les youyous du Sénégal gardés en captivité (comme celui qui apparaît ci-dessous) sont nés en captivité et ont été élevés à la main [5].
Après avoir adopté une réglementation stricte en 1992, les États-Unis ont fait la preuve que toutes les espèces de perroquets africains peuvent être reproduites avec succès en captivité et qu’il n’est pas nécessaire d’aller chercher ces oiseaux dans la nature.

Ne serait-il pas sensé d’interdire le commerce international de tout oiseau qui ressemble à ses cousins sauvages?

Je veux dire par là que seuls les mutants élevés en captivité (p. ex., gris du Gabon roses), que l’on ne peut pas confondre avec leurs cousins sauvages, pourraient faire l’objet d’un commerce international. Les espèces d’apparence sauvage et indigène ne devraient pas sortir de leur pays d’origine. S’il faut établir des populations en captivité pour empêcher l’extinction d’une espèce, on devrait le faire dans leur aire de répartition naturelle. La mutation de couleur est le résultat direct d’un processus de reproduction sélective appliqué par des aviculteurs et la domestication fait partie de ce processus. Nous avons parlé de l’analyse de l’empreinte génétique en vue de reconnaitre les oiseaux capturés en nature, mais cette démarche se révèle coûteuse et ses résultats sont souvent peu probants. Nous savons que des mutants d’inséparables rosegorge (Agapornis roseicollis) échappés d’un élevage ont établi une population croissante sur la côte méridionale de l’Afrique du Sud. Le fait qu’ils se reproduisent dans les nids d’un oiseau indigène, le tisserin du Cap, suscite des inquiétudes. Au moins, ces échappés sont loin de leur aire de distribution naturelle et sont faciles à reconnaître. Veuillez nous faire part de vos idées et commentaires ci-dessous… S’agit-il d’une option viable? Les porteurs de mutation de couleur menacent-ils le patrimoine génétique des populations de perroquets gardés en captivité? Pourquoi faut-il introduire périodiquement des gènes sauvages dans les populations gardées en captivité?

Traduit par Myriam Gagnon, M.A. tra., trad.a., 2012(c)

MessagePosté: Sam Fév 11, 2012 11:57 am
par memphis784
Que c'est triste :(
Pauvre oiseaux.
Il y a vraiment quelqu'un qui les achètes dans cette état la?

MessagePosté: Sam Fév 11, 2012 12:01 pm
par Misshake
Ce dernier article m'a complètement retournée.... Surtout que j'en ai peut -être un qui a vécu ça...
C'est horrible, rien que d'y penser... C'est vrai qu'avec tous les oiseaux qui naissent en captivité, il ne devrait plus y avoir de demande envers des animaux sauvages, la destruction de leur milieu naturel suffit déjà à leur malheur...
Comment sensibiliser sur cette cause ? :?

MessagePosté: Sam Fév 11, 2012 12:09 pm
par katy
c'est horrible, chaque fois que je lis la dessus, ou je vois des photos et vidéos, jme met à pleurer, ce qu'ils vivent est trop cruel...

MessagePosté: Sam Fév 11, 2012 12:15 pm
par Rosalie
Je suis toute retourner :(
Je ne sais pas quoi dire j'aimerais tellement pouvoir y changer quelque chose. :cry:

MessagePosté: Sam Fév 11, 2012 5:24 pm
par jojo
J'ai vraiment été boulversée à la lecture de ce texte, j'en ai eu les larmes aux yeux.

Je ne voudrais jamais contribuer à encourager ce genre de commerce. C'est inconcevable, qu'avec tout les élevages en captivité, les oiseaux soient prélevés, encore à ce jour, dans leur milieu naturel ! :evil:

Avez-vous vu de la façon qu'ils les traitent en plus ! Comment peux-t'on traiter un animal de la sorte ? :roll:

C'était ma montée de moutarde pour aujourd'hui !

MessagePosté: Sam Fév 11, 2012 5:38 pm
par poussin hawaien
Merci Myriam (myrgag) pour la traduction. Vraiment un bon texte.... bouleversant, mais qui fait réfléchir........ :cry:

MessagePosté: Sam Fév 11, 2012 5:55 pm
par jojo
J'oublais de le mentionner...excellente traduction et tout un article malgré sa dureté !

MessagePosté: Sam Fév 11, 2012 6:41 pm
par jojocuisto
quelle tristesse de voir ses oiseaux aussi maltraité :(

MessagePosté: Dim Fév 12, 2012 4:34 am
par Gat
C'est affreux :(

MessagePosté: Dim Fév 12, 2012 5:48 am
par lorisdu74
Triste monde pour ses occupants :cry: ... On peut partager l'article sur facebook ?

MessagePosté: Dim Fév 12, 2012 6:32 am
par Misshake
arf, moi j'ai déjà partagé........ :roll:

MessagePosté: Dim Fév 12, 2012 9:39 am
par Mijo
partagez :wink:

MessagePosté: Dim Fév 12, 2012 1:02 pm
par Gat
C'est fait pour moi aussi.

Mijo, je vais certainement poser une question très naive, mais que peut-on faire avec nos pauvres moyens pour essayer de lutter contre cela ? Il y a-t-il des associations ou des structures qui se sont mise en place pour lutter contre ce fléau et que l'on pourrait soutenir ?

MessagePosté: Dim Fév 12, 2012 1:46 pm
par Jack-Do
Bonjour / Bonsoir à tous,

Le traffic des animaux sauvages est depuis des décennies et encore aujourd'hui une catastrophe :evil: . C'est la troisième source de revenus illicites au monde, juste après la drogue et les armes... :shock:
Pour ceux que ça intéresse, ou qui cherchent des moyens de lutte, voici quelques liens, en guise de point de départ:

http://www.traffic.org
http://www.protection-des-animaux.org/
http://www.eu-wildlifetrade.org/html/fr/commerce_especes_sauvages.asp

ça ne laisse pas indifférent...