par Nath44 » Mer Avr 26, 2017 12:26 pm
[Anthropomorphisme inside pour cette première entrée, bien sûr]
Jans, le 26 avril 2017
Cher Journal,
Toi et moi, nous allons beaucoup nous fréquenter, alors je commence par me présenter - c'est la moindre des politesses, puisque tu vas devoir supporter mes confidences. Je m'appelle Spoutnik, et je suis un gris du Gabon. Enfin, en ce moment, je suis plutôt un blanc-rose du Gabon, selon ma maman humaine, vu que j'ai le poitrail et le dos un chouya déplumé. Je ne vois pas pourquoi ça la dérange : elle ne se déshabille pas, elle, peut-être ? Bon, ok, moi, j'ai un peu de mal à me rhabiller ensuite, mais ce n'est pas de ma faute si ma garde-plume est limitée : je n'ai pas de carte bleue pour acheter sur Amazon.
Ma maman, elle veut que j'arrête, mais j'ai beau vouloir lui faire plaisir, j'ai deux problèmes : d'une part, j'aime me bouffer les plumes, même quand elles tombent toutes seules, et d'autre part, je suis un grand anxieux. Il faut dire que mon papa humain est parti sans prévenir il y a un peu plus d'un an et que je ne sais pas du tout pourquoi il m'a laissé tomber comme ça. Et puis maman, elle est bizarre, depuis. Elle ne joue plus comme avant, elle fait des bruits étranges en me disant que ce n'est rien et que ça va passer. Au début, j'appelais beaucoup mon papa humain, mais elle faisait ces bruits-là, alors j'ai arrêté. Mes frères et soeurs humains aussi, ils sont devenus différents. Il paraît que papa est mort. Je ne sais pas ce que ça veut dire, mais quand j'ai voulu répéter le mot, parce que je l'avais beaucoup entendu, les bruits bizarres ont recommencé. Alors j'ai arrêté aussi.
Le jour où mon papa humain est parti, j'ai une voisine verte qui est arrivée. Elle s'appelle Pistache. Je ne sais pas s'il y a un lien, mais je ne l'aime pas beaucoup. Elle parle comme un pied, en plus. Et elle se la pète avec sa grande queue. Mais elle ne se déshabille pas, elle, et les humains ont l'air de trouver ça bien. Ils sont vraiment étranges.
Si je commence ce journal, c'est parce qu'aujourd'hui, ma maman m'a dit qu'on allait repartir à zéro et que j'allais cesser de me piquer, non mais sans blague, si je ne voulais pas qu'elle m'arrache elle-même les plumes avec une pince à épiler. Je trouve ça un peu paradoxal sur les bords, mais ce sont des humains, on ne peut pas trop leur en demander. Elle a dit qu'elle allait reprendre les douches bi-hebdomadaires, mais je ne veux pas, moi ! Je déteste l'eau. Il paraît que c'est pour mon bien. Je ferai un effort, mais je vous jure qu'elle va le sentir passer. Je commence à mémoriser tous les gros mots possibles pour tous les lui ressortir quand elle va m'emmener dans la salle de bain. Je sais déjà dire "t'es chiant", "ça suffit", "ferme-la" et "putain", mais je suis attentif quand elle engueule le chien et je vais en retenir d'autres. Ca va saigner, je vous le dis ! Je rajouterai quand même "bisou ?" à la fin, on n'est jamais trop prudent.
Quand elle est partie, ce matin (je ne sais pas où elle disparaît comme ça, mais je n'aime pas ça, ça me fait un peu peur, des fois qu'elle s'en irait elle aussi), elle a fait quelque chose qui m'a rappelé des vieux souvenirs d'avant : elle a accroché dans ma cage des trucs à déchiqueter : du bambou, et des tranches de melon. Cela m'a occupé un moment, et j'ai trouvé le temps moins long avant son retour. Mais c'était un mercredi, elle rentre plus tôt que les autres jours. J'espère que demain, elle pensera à me laisser plus de choses.
Quand elle est revenue, elle a encore fait un truc d'avant : elle m'a fait venir sur le plan de travail pendant qu'elle préparait le repas. J'en ai profité pour chiper en douce une tranche de chorizo (je parie qu'elle n'a rien vu), et j'ai jeté les légumes au chien. Je veux bien lui faire plaisir, mais je ne suis pas une vache : le vert, je n'aime pas ça, sauf si je peux boulotter Pistache (mais je parie qu'ils ne voudront pas). Le chien a apprécié. Je ne sais pas trop quoi penser de cet olibrius qui court partout et qui s'excite pour un rien. Il est un peu limité intellectuellement, je crois. Limite binaire - et encore. Il veut absolument me renifler le derrière, vous ne trouvez pas ça choquant, vous ? Enfin bref, c'était un moment sympa, j'ai bien aimé. Même si je me suis arraché une plume pour fêter ça et qu'elle a soupiré. Les pulsions, vous savez ce que c'est.
Cet après-midi, elle avait du travail, je ne l'ai pas beaucoup vue. Je ne sais pas ce que c'est, le travail, mais je n'aime pas ça. Quand elle dit qu'elle en a, je sais que je ne vais pas beaucoup la voir. C'est nul. Il faudrait interdire le travail aux mamans de perroquets. Mais en même temps, il paraît que c'est ça qui paie mes graines. Je veux bien ne manger que des galettes bretonnes et du couscous, moi, si c'est vraiment mes graines qui posent problème. Il faut savoir se scarif... euh... se sacrifier, dans la vie !
A un moment, elle est venue me voir et elle m'a dit qu'elle avait commandé une radio, pour que j'aie de la musique quand elle n'est pas là. J'espère qu'elle mettra des trucs des années 80, parce que la musique moderne, moi, ce n'est pas mon truc... Elle m'a aussi présenté pour rire un drôle d'oiseau blanc. Christophe, qu'il s'appelle, parce que c'est un colomb, et pas une colombe. Il avait une drôle de tête, avec un bec tout bizarre, je l'ai traité par le mépris. Il ne vit pas dans la maison, de toute façon, mais dans la véranda. Je crois que c'est parce qu'elle veut me mettre là-bas de temps en temps qu'elle voulait que je le connaisse. J'ai espéré un moment que c'était pour le plumer, mais visiblement pas. Je ne sais pas trop quoi en penser.
La demeurée verte au vocabulaire riquiqui a été sortie, aujourd'hui, et elle a fait un truc bizarre avec ses ailes : voler, ça s'appelle, je crois. Moi, j'ai essayé une fois, et ça a été la pire journée de ma vie, alors je ne vois pas trop pourquoi maman voudrait que je le refasse. En même temps, ça avait l'air sympa pour se déplacer. Je vais y réfléchir cette nuit.
Voilà, cher journal. Je serai moins long les autres jours, mais il fallait bien que je t'explique tout ce qui se passe en ce moment. Je te dis à demain.
Ton ami Spoutnik.
Nath
Dum vivimus, vivamus !